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Franz Kafka

 

Retour à la maison

 

 

 

Je suis revenu, j’ai traversé la cour et je regarde autour de moi.

C’est l’ancienne ferme de mon père. La flaque d’eau au milieu. De vieux outils inutilisables mêlés les uns aux autres barrent l’accès à l’escalier du grenier. Le chat guette sur la rampe. Un torchon déchiré et jadis employé est enroulé autour d’un barreau et le vent le soulève.

 

Je suis arrivé.

Qui va m’accueillir ? Qui attend derrière la porte de la cuisine ?

De la fumée sort de la cheminée, on prépare le café du soir. Te sens-tu chez toi, à la maison ?

Je ne sais pas, je n’en suis pas du tout sûr.

 

 

C’est bien la maison de mon père, mais chaque chose se tient froidement l’une à côté de l’autre

comme si chacune était occupée avec ses propres affaires

que j’ai soit oubliées,

soit jamais connues.

 

 

A quoi puis-je leur servir, que suis-je pour elles,

même moi le fils du père, du vieux paysan ?

 

 

…Et je n’ose pas frapper à la porte de la cuisine,

reste à écouter seulement de loin,

reste debout à écouter seulement de loin pour que

je ne puisse pas être surpris en train d’écouter.

Et comme j’écoute de loin, je n’entends rien,

 

j’entends juste le léger tic-tac d’une horloge,

 

…ou bien je crois l’entendre, revenant des jours de l’enfance.

 

 

Ce qui se passe dans la cuisine est le secret de ceux qui y sont assis,

secret qu’ils me cachent.

 

Plus on hésite devant la porte,

plus on devient étranger.

 

 

Que se passerait-il si quelqu’un ouvrait maintenant la porte et me demandait quelque chose ?

Ne serais-je pas moi-même comme un qui veut garder son secret?

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Franz Kafka – Retour à la maison

 

 

 

 

Franz Kafka

 

 

Franz Kafka naît le 3 juillet 1883 à Prague, faisant alors partie de l’empire austro-hongrois, au sein d’une famille de commerçants israélites d’origine allemande. La richesse de ce triple héritage culturel, slave, allemand et juif, le marquera profondément tout en l’empêchant de s’intégrer pleinement dans l’un de ces milieux. Très tôt familiarisé avec les auteurs russes, notamment Dostoïevski, il découvre la littérature yiddish vers 1910 et pense s’établir en Palestine quand, en 1917, les premiers symptômes de la tuberculose l’obligent à abandonner ce projet.

De 1908 à 1922, Franz Kafka occupe divers postes d’employé dans des compagnies d’assurances tout en élaborant ce qui deviendra une œuvre majeure de la littérature universelle, composée pour l’essentiel de récits et de nouvelles ; parmi les plus célèbres, citons Le verdict, La métamorphose, chef-d’œuvre du fantastique absurde écrit en 1912, La colonie pénitentiaire ou Un champion de jeûne, publiés respectivement en 1919 et 1922. Outre son Journal et ses lettres, on doit à Franz Kafka trois romans inachevés, publiés à titre posthume et contre sa volonté par son ami Max Brod : Le château, L’Amérique et Le procès, un texte visionnaire qui marquera profondément la conscience du XXe siècle. (lisez.com)