NIKOLAÏ GOGOL nouvelle LE MANTEAU texte intégral Français

 

 

 

Nikolaï Gogol

Le manteau

(La capote)

 

 

Nouvelle fantastique

histoire courtes

Littérature russe

 

 

Brève introduction

 

Le manteau est une nouvelle fantastique de Nicolas Gogol publiée en 1842.

La traduction française habituelle du titre russe est Le Manteau. Cependant, une traduction plus exacte serait La Capote, qui était le pardessus d’hiver traditionnellement porté par les fonctionnaires et les soldats russes.

Le Manteau De Nikolaï Gogol a été publié pour la première fois dans les Œuvres complètes de Gogol, en 1842, parmi les nouvelles du recueil intitulé Les Nouvelles de Pétersbourg.

 

Ci-dessous, le texte intégral de histoire courtes russe: “Le manteau” de Nikolaï Gogol, traduit en français.

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Ci-dessous, vous trouverez la vidéo “livre audio” de l’histoire russe: “Le Manteau” de Nikolai Gogol.

Bonne lecture.

 

 

 

Nikolai Gogol

Le manteau

 

courte histoire russe

texte intégral traduit en français

 

 

 

Au ministère de… Non, mieux vaut ne pas le nommer. Personne n’est plus susceptible que les fonctionnaires, officiers, employés de bureau et autres gens en place. À l’heure actuelle, chaque particulier croit que si l’on touche à sa personne, toute la société en est offensée. Dernièrement, paraît-il, le capitaine-ispravnik de je ne sais plus quelle ville a exposé sans ambages dans une supplique que le respect des lois se perd et que son nom sacré est prononcé « en vain ». À l’appui de ses dires, il a joint à la pétition un gros ouvrage romantique où, toutes les dix pages, apparaît un capitaine-ispravnik, parfois dans un état d’ébriété prononcée. Aussi, pour éviter des désagréments, appellerons-nous le ministère dont il s’agit tout simplement un certain ministère.

 

Donc, il y avait dans un certain ministère un employé. Cet employé ne sortait guère de l’ordinaire : petit, grêlé, rousseau, il avait la vue basse, le front chauve, des rides le long des joues et l’un de ces teints que l’on qualifie d’hémorroïdaux… Que voulez-vous, la faute en est au climat pétersbourgeois ! Quant au grade (car chez nous, c’est toujours par cette indication qu’il faut commencer), c’était l’éternel conseiller titulaire dont se sont amplement gaussés bon nombre d’écrivains parmi ceux qui ont la louable habitude de s’en prendre aux gens incapables de montrer leurs crocs. Il s’appelait Bachmatchkine, nom qui provient, cela se voit, de bachmak, savate ; mais on ignore comment se produisit la dérivation.

 

Le père, le grand-père, le beau-frère même, et tous les parents de Bachmatchkine sans exception, portaient des bottes qu’ils se contentaient de faire ressemeler deux ou trois fois l’an. Il se prénommait Akaki Akakiévitch. Mes lecteurs trouveront peut-être ce prénom bizarre et recherché. Je puis les assurer qu’il n’en est rien et que certaines circonstances ne permirent pas de lui en donner un autre. Voici comment les choses se passèrent : Akaki Akakiévitch naquit à la tombée de la nuit, un 23 mars, si j’ai bonne mémoire. Sa pauvre mère, une femme de fonctionnaire très estimable sous tous les rapports, se mit en devoir de le faire baptiser. Elle était encore couchée dans son lit, en face de la porte, ayant à sa droite le parrain Ivan Ivanovitch Iérochkine, un excellent homme, chef de bureau au Sénat, et la marraine, Irène Sémionovna Biélobriouchkov, femme d’un exempt de police, douée de rares vertus. On soumit trois noms au choix de l’accouchée : Mosée, Sosie et Cosdazat martyr. « Diables de noms ! se dit-elle ; je n’en veux pas. » Pour lui faire plaisir, on ouvrit l’almanach à une autre page, et de nouveau trois noms se présentèrent : Triphylle, Dulas et Barachise.

 

« C’est une vraie punition du bon Dieu, grommela la bonne dame ; rien que des noms impossibles ; je n’en ai jamais entendu de pareils ! Passe encore pour Baradate ou Baruch, mais Triphylle et Barachise ! » L’on tourna encore une page et l’on tomba sur Pausicace et Bactisoès. « Allons ! dit l’accouchée, c’est décidément un coup du sort ; dans ces conditions, mieux vaut lui donner le nom de son père. Le père s’appelait Acace ; que le fils s’appelle aussi Acace. » Voilà pourquoi notre héros se prénommait Akaki Akakiévitch. On baptisa l’enfant, qui se prit à pleurer et à grimacer comme s’il pressentait qu’il serait un jour conseiller titulaire. C’est ainsi que les choses se passèrent. Nous avons donné ces détails pour que le lecteur puisse se convaincre que la nécessité seule dicta ce prénom.

 

 

Personne ne se rappelait à quelle époque Akaki Akakiévitch était entré au ministère et qui l’y avait recommandé. Les directeurs, les chefs de division, les chefs de service et autres avaient beau changer, on le voyait toujours à la même place, dans la même attitude, occupé à la même besogne d’expéditionnaire, si bien que par la suite on prétendit qu’il était venu au monde en uniforme et le crâne dénudé. On ne lui témoignait aucune considération. Loin de se lever sur son passage, les huissiers ne prêtaient pas plus d’attention à son approche qu’au vol d’une mouche. Ses supérieurs le traitaient avec une froideur despotique. Le premier sous-chef venu lui jetait des paperasses sous le nez sans même prendre la peine de dire : « Ayez l’obligeance de copier ça », ou : « Voilà un petit dossier fameux », ainsi qu’il se pratique entre bureaucrates bien élevés. Sans un regard pour la personne qui lui imposait cette tâche, sans se préoccuper si elle avait le droit de le faire,

 

Akaki Akakiévitch considérait un instant le document, puis se mettait en devoir de le copier. Ses jeunes collègues épuisaient sur lui l’arsenal des plaisanteries en cours dans les bureaux. Ils racontaient en sa présence toutes sortes d’historiettes inventées sur son compte ; ils prétendaient qu’il endurait les sévices de sa logeuse, vieille femme de soixante-dix ans, et lui demandaient quand il l’épouserait ; ils lui versaient sur la tête des rognures de papier, « une chute de neige », s’exclamaient-ils. Mais Akaki Akakiévitch demeurait impassible ; on aurait dit que personne ne se trouvait devant lui ; il ne se laissait pas distraire de sa besogne et toutes ces importunités ne lui faisaient pas commettre une seule bévue. Si la taquinerie dépassait les bornes, si quelqu’un lui poussait le coude et l’arrachait à sa tâche, il se contentait de dire :
« Laissez-moi ! Que vous ai-je fait ? »

 

Il y avait quelque chose d’étrange dans ces paroles. Il les prononçait d’un ton si pitoyable qu’un jeune homme, récemment entré au ministère et qui avait cru bon d’imiter ses collègues en persiflant le bonhomme, s’arrêta soudain comme frappé au cœur. Depuis lors, le monde prit à ses yeux un nouvel aspect ; une force surnaturelle parut le détourner de ses camarades, qu’il avait tenus tout d’abord pour des gens bien élevés. Et longtemps, longtemps ensuite, au cours des minutes les plus joyeuses, il revit le petit employé au front chauve, et il entendit ses paroles pénétrantes : « Laissez-moi ! Que vous ai-je fait ? » Et dans ces paroles pénétrantes résonnait l’écho d’autres paroles : « Je suis ton frère ! » Alors, le malheureux jeune homme se voilait la face, et plus d’une fois au cours de son existence, il frissonna en voyant combien l’homme recèle d’inhumanité, en constatant quelle grossière férocité se cache sous les manières polies, même, ô mon Dieu, chez ceux que le monde tient pour d’honnêtes gens…

 

On aurait difficilement trouvé un fonctionnaire aussi profondément attaché à son emploi qu’Akaki Akakiévitch. Il s’y adonnait avec zèle ; non, c’est trop peu dire, il s’y adonnait avec amour. Cette éternelle transcription lui paraissait un monde toujours charmant, toujours divers, toujours nouveau. Le plaisir qu’il y prenait se reflétait sur ses traits ; quand il arrivait à certaines lettres qui étaient ses favorites, il ne se sentait plus de joie, souriait, clignotait, remuait les lèvres comme pour s’aider dans sa besogne. C’est ainsi qu’on pouvait lire sur son visage les lettres que traçait sa plume. Si l’on avait dignement récompensé son zèle, il fût sans doute parvenu, non sans surprise de sa part, au titre de conseiller d’État ; mais il n’avait jamais obtenu, pour parler comme ses plaisantins de collègues, que zéro-zéro à la boutonnière et des hémorroïdes au bas des reins. Toutefois, ce serait aller trop loin de prétendre qu’on ne lui témoigna jamais d’égards.

 

Désireux de récompenser ses longs états de service, un brave homme de directeur lui confia un beau jour une besogne plus importante que ses travaux de copie habituels. Il s’agissait d’extraire d’un mémoire complètement au point un rapport destiné à une autre administration : tout le travail consistait à changer le titre général et à faire passer quelques verbes de la première à la troisième personne. Cette tâche parut si ardue à Akaki Akakiévitch que le malheureux tout en nage se frotta le front et finit par dire :
« Non, décidément, donnez-moi quelque chose à copier. »

 

Depuis lors on le laissa à sa copie, en dehors de laquelle rien ne semblait exister pour lui. Il ne se préoccupait pas de sa toilette : son veston d’uniforme avait passé du vert au roux farineux. Il portait un col bas, étroit, au sortir duquel son cou, bien que court, semblait d’une longueur extraordinaire, comme celui de ces chats de plâtre, au chef branlant, que colportent par douzaines sur leur tête de prétendus « étrangers », natifs de Pétersbourg. Il fallait toujours qu’un fil, un fétu, un brin de paille demeurât accroché à son veston ; qui plus est, il avait l’art de se trouver sous une fenêtre au moment précis où l’on en jetait toutes sortes de détritus : en conséquence des écorces de melons, de pastèques et d’autres brimborions du même genre ornaient toujours son chapeau.

Pas une fois dans sa vie il ne prit garde au spectacle quotidien de la rue, spectacle auquel les jeunes employés accordent des regards si attentifs qu’ils vont jusqu’à distinguer sur le trottoir d’en face la déchirure d’un sous-pied, chose qui amène invariablement sur leurs lèvres un sourire narquois.

 

À supposer qu’Akaki Akakiévitch jetât les yeux sur quelque objet, il devait y apercevoir des lignes écrites de sa belle écriture nette et coulante. Si un cheval venait tout à coup poser le nez sur son épaule et lui souffler une vraie tempête dans le cou, il reconnaissait enfin qu’il se trouvait au milieu de la rue et non point au milieu d’une ligne d’écriture. Rentré chez lui, il se mettait aussitôt à table, avalait sa soupe aux choux accompagnée d’un morceau de bœuf à l’oignon ; il ingurgitait ce mélange sans en remarquer le goût, avec les mouches et tous les suppléments que le bon Dieu daignait y ajouter selon la saison. Quand il se sentait l’estomac bien rempli, il se levait, sortait d’un tiroir une bouteille d’encre et copiait des documents apportés du bureau. Le travail venait-il à manquer, il prenait des copies pour son propre plaisir, préférant aux pièces intéressantes pour la beauté du style celles qui étaient adressées à des personnages nouvellement nommés ou haut placés.

 

Il est une heure où le ciel gris de Pétersbourg s’obscurcit complètement, où la gent bureaucrate ayant déjà dîné, chacun selon ses moyens ou sa fantaisie, se sent déjà reposée des tracas du bureau, grincements de plume, allées et venues, besognes pressantes, toutes les tâches qu’un travailleur infatigable s’impose parfois sans nécessité ; alors, elle se hâte de consacrer au plaisir le reste du jour. Les plus entreprenants s’en vont au théâtre ; celui-ci gagne la rue pour y contempler de jolies coiffures ; celui-là se rend en soirée pour y débiter des compliments à quelque piquante jeune fille, étoile d’un petit cénacle d’employés ; d’autres, les plus nombreux, s’en vont tout simplement voir un collègue qui occupe au second ou au troisième étage un petit appartement de deux pièces avec cuisine, antichambre et certaines prétentions à la mode, une lampe, un bibelot quelconque, fruit de nombreux sacrifices, tels que privations de dîner, de promenades, etc.

 

 

À cette heure-là donc, où tous les employés se dispersent dans les minuscules logements de leurs amis pour y jouer un whist infernal tout en dégustant des verres de thé accompagnés de biscuits d’un sou, en fumant de longs chibouques, en racontant, tandis qu’on donne les cartes, un de ces commérages du grand monde dont le Russe ne saurait se passer, ou en ressassant, faute de mieux, l’éternelle historiette du commandant de place avisé par un plaisantin que le Pierre le Grand de Falconnet a vu couper la queue de son cheval ; bref, à cette heure-là où chacun tâche de se distraire, seul Akaki Akakiévitch ne se permettait aucun délassement. Personne ne pouvait se souvenir de l’avoir jamais aperçu à une soirée quelconque. Après avoir écrit tout son saoul, il se couchait en souriant d’avance à la pensée du lendemain : quels documents la grâce de Dieu lui confierait-elle à copier ? Ainsi s’écoulait dans la paix la vie d’un homme qui, avec quatre cents roubles de traitement, se montrait content de son sort ; et sans doute eût-il atteint de la sorte une extrême vieillesse si, en ce bas monde, toutes sortes de calamités n’attendaient pas les conseillers titulaires, voire les conseillers secrets, virtuels, auliques, etc., enfin les conseillers de calibre divers, même ceux qui ne donnent ni ne demandent de conseils à personne.

 

Un puissant ennemi guette à Pétersbourg les personnes qui jouissent d’un traitement de quatre cents roubles ou approchant. Cet ennemi, c’est notre climat septentrional, que l’on dit cependant fort sain. Le matin, entre huit et neuf, à cette heure où les employés s’en vont à leur ministère, le froid est justement si piquant et s’attaque avec une telle violence à tous les nez sans discernement que leurs malheureux propriétaires ne savent où se fourrer.

Quand le froid donne de telles chiquenaudes au front des hauts fonctionnaires que les larmes leur jaillissent des yeux, les pauvres conseillers titulaires se trouvent parfois sans défense. Il ne leur reste qu’une chance de salut : s’envelopper de leur maigre pardessus et gagner en courant à travers cinq ou six rues le vestibule du ministère pour y battre la semelle jusqu’au moment où seront dégelées les facultés nécessaires à l’accomplissement de leurs devoirs professionnels. Depuis quelque temps, Akaki Akakiévitch avait beau franchir en courant la fatale distance, il se sentait tout transi, particulièrement au dos et aux épaules. Il en vint à se demander si ce n’était point par hasard la faute de son manteau. Il l’examina chez lui, à loisir, et découvrit qu’en deux ou trois endroits, précisément au dos et aux épaules, le drap avait pris la transparence de la gaze, et que la doublure avait à peu près disparu.

 

 

Il faut savoir que le pardessus d’Akaki Akakiévitch alimentait aussi les sarcasmes de son bureau ; on lui avait même enlevé le noble nom de manteau pour le traiter dédaigneusement de « capote ». De fait, le vêtement avait un aspect plutôt bizarre : son col diminuait d’année en année, car il servait à rapiécer les autres parties. Le rapiéçage ne mettait pas en valeur les talents du tailleur ; l’ensemble était lourd et fort laid.

Akaki Akakiévitch comprit qu’il lui faudrait porter son manteau au tailleur Pétrovitch, qui travaillait en chambre au troisième étage d’un escalier de service et qui, malgré un œil bigle et un visage grêlé, réparait assez habilement les habits et pantalons d’uniformes, même les habits civils, à condition, bien entendu, qu’il fût à jeun et n’eût point d’autre fantaisie en tête. Certes, il siérait de ne pas s’étendre sur ce tailleur ; mais comme on a pris l’habitude dans les romans de ne laisser dans l’ombre aucun caractère, attaquons-nous donc à ce personnage. Il ne devint Pétrovitch qu’après son affranchissement, lorsqu’il eut accoutumé de s’enivrer, d’abord aux grandes fêtes, puis à toutes celles que le calendrier marque d’une croix.

 

Sous ce rapport, il observait fidèlement les coutumes ancestrales et, dans ses disputes avec sa noble épouse, traitait celle-ci soit de mondaine, soit d’Allemande. Et puisque nous avons fait allusion à cette personne, il va bien falloir aussi en dire deux mots. Par malheur, on ne savait trop rien sur son compte, sauf qu’elle était la femme de Pétrovitch et qu’elle portait un bonnet au lieu d’un fichu ; elle n’avait point lieu, semble-t-il de se vanter d’être belle ; du moins, il n’y avait que les soldats de la garde pour lui regarder sous le bonnet ; mais, ce faisant, ils hérissaient leur moustache et poussaient un grognement qui en disait long.

 

 

En grimpant l’escalier de Pétrovitch, escalier qui, il faut lui rendre cette justice, était tout enduit de détritus et d’eaux grasses, tout pénétré aussi de cette odeur spiritueuse qui pique les yeux et qui se retrouve, comme nul ne l’ignore, dans tous les escaliers de service de Pétersbourg, – en grimpant donc l’escalier, Akaki Akakiévitch s’inquiétait déjà du prix que demanderait Pétrovitch et prenait la ferme résolution de ne pas lui donner plus de deux roubles. La porte du tailleur était ouverte, son honorable épouse ayant, en faisant griller je ne sais quel poisson, laissé échapper une fumée si épaisse que l’on ne distinguait même plus les cafards. Sans être remarqué de la maîtresse du logis, Akaki Akakiévitch traversa la cuisine et pénétra dans la pièce, où il aperçut Pétrovitch assis sur une large table de bois blanc, les jambes croisées sous lui, à la façon d’un pacha turc. Ses pieds étaient nus, suivant la coutume des tailleurs quand ils sont à leur ouvrage ; et ce qui, tout de suite, sautait aux yeux, c’était son gros orteil, que connaissait bien Akaki Akakiévitch, et dont l’ongle déformé était gros et fort comme une carapace de tortue.

 

Pétrovitch portait suspendu à son cou un écheveau de soie et plusieurs de fil ; il tenait sur ses genoux un vieux vêtement. Depuis trois bonnes minutes, il s’efforçait en vain d’enfiler son aiguille ; il s’en prenait à l’obscurité et au fil lui-même, qu’il gourmandait à mi-voix : « Entreras-tu, à la fin, salaud ! M’as-tu assez fait enrager, maudit ! » Akaki Akakiévitch fut fort marri de trouver Pétrovitch en colère ; il aimait passer ses commandes au tailleur lorsque celui-ci était légèrement éméché, ou, comme disait sa femme, lorsque « ce diable de borgne s’en était fourré plein la lampe ».

 

Dans cet état, en effet, Pétrovitch se montrait coulant, accordait des rabais, se confondait en remerciements. Sa femme, il est vrai, venait ensuite pleurnicher auprès des pratiques, en leur assurant que son ivrogne de mari leur avait fait un prix vraiment trop bas ; alors on en était quitte si l’on octroyait une pièce de dix kopeks en supplément. Maintenant, au contraire, Pétrovitch semblait à jeun, par conséquent brusque, intraitable, enclin à exiger des prix fabuleux. Akaki Akakiévitch le comprit aussitôt et voulut s’esquiver ; mais il était trop tard : Pétrovitch le fixait déjà de son œil unique. Akaki Akakiévitch proféra involontairement :
« Bonjour, Pétrovitch !
– Je vous souhaite le bonjour, monsieur, répliqua Pétrovitch en reportant son regard sur les mains de son visiteur pour voir de quelles dépouilles elles étaient chargées.
– Eh bien, voilà, Pétrovitch, n’est-ce pas… »

 

Il faut savoir qu’Akaki Akakiévitch s’exprimait le plus souvent au moyen d’adverbes, de prépositions, voire de particules absolument dépourvues de sens. Dans les cas embarrassants, il ne terminait pas ses phrases, et fort souvent, après avoir commencé un discours de ce genre : « C’est vraiment tout à fait… n’est-ce pas… », il s’arrêtait court et croyait avoir tout dit.
« Qu’y a-t-il ? » demanda Pétrovitch en inspectant de son œil unique le veston d’Akaki Akakiévitch depuis le col jusqu’aux manches, sans omettre le dos, les basques, les boutonnières, toutes choses qu’il connaissait d’ailleurs fort bien, puisqu’elles étaient l’œuvre de ses mains. Mais, que voulez-vous, telle est la coutume des tailleurs.

 

« Eh bien, n’est-ce pas, Pétrovitch…, mon manteau… Partout ailleurs le drap reste solide… La poussière le fait paraître vieux, mais il est neuf… Il n’y a qu’à cet endroit, n’est-ce pas… Voilà, ici, sur le dos… Et puis, cette épaule est un peu râpée… Et celle-ci aussi, un tout petit peu, tu vois ?… Eh bien, c’est tout. Il n’y a pas grand travail… »

 

Pétrovitch prit la « capote », l’étendit sur la table, l’inspecta longuement, hocha la tête, atteignit sur la fenêtre une tabatière ronde ornée du portrait d’un général dont je ne saurais dire le nom, car un rectangle de papier remplaçait le visage crevé d’un coup de doigt. Après avoir prisé, Pétrovitch examina la capote à la lumière en l’étalant sur ses bras écartés, hocha de nouveau la tête, puis la retourna pour examiner la doublure. Alors, il hocha la tête pour la troisième fois, revint à sa tabatière, se bourra le nez, la referma, la remit en place et conclut enfin :
« Non, impossible de réparer ce machin-là, il est trop mûr ! »
Akaki Akakiévitch sentit un choc au cœur.
« Pourquoi cela, Pétrovitch ? dit-il d’une voix presque enfantine. Il n’est usé qu’aux épaules ; tu dois bien avoir un morceau ou deux que…
– Des morceaux, ça se trouve toujours, répliqua Pétrovitch. Mais impossible de les faire tenir là-dessus, c’est usé jusqu’à la corde, voyons ! ça se mettra en charpie dès que j’y planterai l’aiguille !
– Qu’est-ce que ça fait ? Mets-y tout de même une pièce, on verra bien !
– Et sur quoi voulez-vous que je la couse, votre pièce ? Non, croyez-moi, ce drap n’est plus drap que de nom ; vous voyez bien vous-même que c’est une guenille !
– Mais non, mais non… Arrange-le, fais tenir une pièce comme tu pourras…
– Non, trancha Pétrovitch, c’est impossible ! À votre place, quand viendront les froids, je me taillerais là-dedans des bandes molletières, parce que, voyez-vous, les bas, ça ne tient pas chaud, c’est une invention des Allemands pour mieux se remplir la poche. (Pétrovitch s’en prenait volontiers aux Allemands.) Et je me commanderais un manteau neuf. »

 

Le mot « neuf » faillit aveugler Akaki Akakiévitch ; tous les objets se confondirent brusquement devant ses yeux dans une sorte de brume, à travers laquelle il ne distingua plus que le général au visage de papier qui ornait la tabatière de Pétrovitch.
« Un manteau neuf ! prononça-t-il enfin comme en rêve… Mais où prendre l’argent ?
– Oui, un neuf, répéta flegmatiquement ce monstre de Pétrovitch.
– Et si, par hasard, je m’en faisais un neuf, qu’est-ce que… Voyons… n’est-ce pas…
– Combien coûtera-t-il, voulez-vous dire ?
– Précisément.
– Trois billets de cinquante roubles au bas mot », dit Pétrovitch en se pinçant les lèvres. Il aimait les gros effets, prenait plaisir à embarrasser les gens pour regarder en dessous quelle mine ils faisaient.
« Cent cinquante roubles, un manteau ! s’exclama, pour la première fois de sa vie, sans doute, le malheureux Akaki Akakiévitch, qui d’ordinaire parlait à voix très basse.
– Certainement, dit Pétrovitch ; et encore, ça dépend de quel manteau il s’agit. Si vous voulez un col de martre et un capuchon à doublure de satin, il faudra compter deux cents roubles.
– Au nom du Ciel, Pétrovitch, implora Akaki Akakiévitch sans vouloir entendre les propos du tailleur, ni prêter attention à ses effets ; au nom du Ciel, répare-le tant bien que mal, de façon qu’il me fasse encore un bout de service !
– Non, vous dis-je, j’y perdrais ma peine, et vous, votre argent. »

Sur ces mots, Akaki Akakiévitch quitta la pièce complètement anéanti. Et longtemps encore après son départ, Pétrovitch demeura immobile, les lèvres pincées, très satisfait d’avoir sauvegardé sa dignité et celle de son art.

 

Une fois dans la rue, Akaki Akakiévitch crut avoir rêvé. « En voilà une affaire ! se disait-il. Je n’aurais jamais cru… n’est-ce pas… » Et après un assez long silence, il reprit : « Non, je n’aurais pas cru que… » Un long silence suivit encore. Enfin, il ajouta : « Non, vraiment, c’est à n’y pas croire… » Sur ce, au lieu de rentrer chez lui, il se dirigea sans y prendre garde du côté opposé. Chemin faisant, un ramoneur le frôla et lui noircit l’épaule ; une avalanche de chaux dégringola sur lui du haut d’une maison en construction. Il ne remarqua rien de tout cela et ne revint à lui-même qu’en allant buter contre un garde de ville, qui, sa hallebarde posée à côté de lui, secouait une corne de tabac sur son poing calleux. Encore fallut-il que le bonhomme lui criât :
« Qu’as-tu à buter dans la gueule des gens ? Les « troutoirs », c’est pour quoi faire ? »
Cette apostrophe lui fit ouvrir les yeux et rebrousser chemin.

 

Rentré en son logis, il put enfin rassembler ses idées, examiner froidement la situation, se parler à lui-même, non plus par phrases hachées, mais sur le ton de judicieuse franchise dont on se sert pour discuter avec quelque sage ami une affaire qui vous tient particulièrement au cœur. « Non, se dit Akaki Akakiévitch, aujourd’hui, il n’y a pas moyen de s’entendre avec Pétrovitch. Il est dans un état plutôt… Sa femme aura dû le battre. Je retournerai dimanche matin ; après sa cuite de la veille, je le trouverai le regard louche et tout sommeillant ; il voudra boire un coup pour se remettre d’aplomb, et comme sa femme ne lui donnera pas un sou, alors, moi, je lui baillerai une pièce de dix kopeks ; du coup, il se montrera plus conciliant, et alors, n’est-ce pas…, le manteau… »

 

Ce raisonnement redonna confiance à Akaki Akakiévitch. Le dimanche suivant, il guetta la femme de Pétrovitch et, dès qu’il la vit s’absenter, il s’en fut droit chez son gaillard. Il le trouva bien tout sommeillant, le regard louche et la tête très basse ; mais, dès qu’il sut de quoi il retournait, mon Pétrovitch parut possédé du démon.
« Non, déclara-t-il, c’est impossible, commandez-en un neuf. »
Akaki Akakiévitch lui fourra dans la main une pièce de dix kopeks.
« Grand merci, monsieur, reprit Pétrovitch, je prendrai un verre à votre santé. Quant au manteau, croyez-moi, n’y pensez plus ; il est à bout, le pauvre ! Je vais vous en faire un neuf dont vous me direz des nouvelles. ! Fiez-vous-en à moi. »
Akaki Akakiévitch voulut revenir à ses moutons ; mais, sans l’écouter, Pétrovitch continua :
« Oui, oui, comptez sur moi, ce sera du beau travail. Et même, si vous tenez à être à la mode, je mettrai au col des agrafes d’argent plaqué. »

 

Désormais convaincu qu’il ne pourrait se passer d’un manteau neuf, Akaki Akakiévitch sentit son courage l’abandonner. Où trouver l’argent nécessaire ? Il attendait bien une gratification pour les fêtes, mais l’emploi en était réglé d’avance. Il lui fallait acheter un pantalon, payer au bottier un vieux remontage, commander à la lingère trois chemises et deux paires de ces attributs vestimentaires dont il serait inconvenant d’imprimer le nom ; bref Akaki Akakiévitch avait disposé de tout cet argent, et même si le directeur daignait porter la somme à quarante-cinq ou, disons plus, à cinquante roubles, il en resterait moins que rien, une bagatelle qui, dans la constitution du capital exigé pour le manteau, jouerait le rôle d’une goutte d’eau dans la mer.

 

Évidemment, Pétrovitch voyait parfois la lune en plein midi et demandait alors des prix exorbitants ; sa femme elle-même ne pouvait quelquefois se retenir de lui crier : « Ah çà ! tu deviens fou ? tu as le démon dans le ventre ? Il y a des jours où cet imbécile travaille pour rien, et le voilà maintenant en train de se faire payer plus cher qu’il ne vaut ! » Akaki Akakiévitch tenait pour certain que Pétrovitch se contenterait de quatre-vingts roubles, mais la question était de savoir où les trouver. À la rigueur, il savait où en prendre la moitié, peut-être un peu plus ; quant au reste… Indiquons d’abord au lecteur la provenance de cette première moitié. Sur chaque rouble qu’il dépensait, Akaki Akakiévitch avait coutume de retenir un liard et de le déposer, par une fente pratiquée dans le couvercle, au fond d’un coffret fermé à clef. Tous les six mois, il faisait le compte de ses pièces de cuivre et les remplaçait par des piécettes d’argent. Au bout de plusieurs années, il se trouva ainsi avoir plus de quarante roubles d’économies.

 

Donc, la moitié de la somme était à sa disposition ; restait l’autre moitié. Où prendre ces quarante roubles manquants ? À force de réfléchir, Akaki Akakiévitch se résolut à réduire ses dépenses, tout au moins pendant une année. Dès lors, il ne prit plus de thé le soir et n’alluma plus de chandelle, emportant, quand besoin était, son travail dans la chambre de sa logeuse ; dans la rue, il se mit à marcher sur la pointe des pieds pour ménager ses semelles ; il n’avait recours que fort rarement aux offices de la blanchisseuse, pour ne point user son linge qu’il remplaçait, aussitôt rentré chez lui, par une vieille robe de chambre de futaine que le temps même avait épargnée.

 

 

À dire vrai, ces restrictions lui parurent d’abord plutôt dures, mais il s’y accoutuma peu à peu et finit un beau jour par se passer tout à fait de souper. Comme il rêvait sans cesse à son futur manteau, cette rêverie lui fut une nourriture suffisante, encore qu’immatérielle. Bien plus : son existence elle-même prit de l’importance ; on devinait à ses côtés comme la présence d’un autre être, comme une compagne aimable qui aurait consenti à parcourir avec lui la route de la vie. Et cette compagne n’était autre que la belle pelisse neuve, à solide doublure ouatée. Il devint plus vif et plus ferme de caractère, ainsi qu’il sied à qui s’est une fois fixé un but. Le doute, l’indécision, tous les traits hésitants et imprécis disparurent de son visage comme de ses actes.

 

Une flamme luisait parfois dans ses yeux, les pensées les plus audacieuses lui passaient parfois par la tête : pourquoi ne se commanderait-il pas un col de martre, après tout ! Cela finit par lui causer des distractions. Un jour qu’il copiait un document, il faillit commettre une erreur, si bien qu’il dut se signer en poussant un « ouf ! » de soulagement. Une fois par mois au moins, il allait trouver Pétrovitch pour lui parler du manteau ; où achèterait-on le drap ? quelle teinte conviendrait le mieux ? quel prix faudrait-il donner ? Après avoir débattu ces graves questions, il rentrait chez lui un tantinet préoccupé, mais songeant avec joie qu’un beau jour le manteau deviendrait une réalité. L’affaire prit même une tournure plus rapide qu’il ne le prévoyait. Contre toute attente, le chef du personnel lui octroya cette année-là soixante roubles de gratification au lieu des quarante ou quarante-cinq roubles habituels.

 

 

Le chef du personnel devina-t-il qu’Akaki Akakiévitch devait se commander un manteau ? Faut-il ne voir là qu’un simple effet du hasard ? Je n’en sais rien ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’Akaki Akakiévitch put disposer d’une aubaine de vingt roubles inattendus. Cette circonstance avança fort les choses. Encore deux ou trois mois de privations et notre homme se trouva un beau matin à la tête des quatre-vingts roubles souhaités. Son cœur, si calme d’ordinaire, se mit à battre à grands coups. Dès le jour même, il fit en compagnie de Pétrovitch sa tournée d’emplettes. On acheta, cela se conçoit, du drap de tout premier choix ; depuis un bon semestre qu’on y pensait, on avait eu le temps, de mois en mois, de s’informer des prix. Pétrovitch déclara d’ailleurs qu’on n’en trouverait pas de plus beau. Pour la doublure, on se contenta de calicot, mais d’un calicot de si haute qualité que, toujours selon Pétrovitch, il ne le cédait en rien à la soie et paraissait même plus lustré. Et comme la martre coûtait vraiment trop cher, on se rabattit sur du chat, en choisissant le plus beau du magasin ; d’ailleurs, à distance, il passerait toujours pour de la martre. La confection du manteau ne prit que deux petites semaines, et encore parce qu’il devait être ouaté et piqué ; autrement Pétrovitch l’aurait livré plus tôt.

 

Le digne homme compta douze roubles de façon : on ne pouvait décemment demander moins, puisque tout était cousu à point arrière et à la soie, et que sur chaque couture Pétrovitch avait marqué avec ses dents les festons les plus divers.

 

Ce fut un… Je ne saurais, ma foi, préciser le jour où Pétrovitch apporta enfin le manteau. Akaki Akakiévitch n’en connut sans doute point de plus solennel au cours de son existence. C’était un matin, avant le départ pour le ministère, et le vêtement n’aurait pu arriver plus à propos, car les froids déjà vifs menaçaient de devenir rigoureux. Pétrovitch apporta le manteau lui-même, ainsi qu’il se doit quand on est un bon tailleur. Jamais encore Akaki Akakiévitch n’avait vu à personne une mine si imposante. Pétrovitch semblait pleinement convaincu qu’il avait accompli son grand œuvre et marqué d’un coup tout l’abîme qui sépare un tailleur d’un rapetasseur. Il tira le manteau du mouchoir qui l’enveloppait, et comme ledit mouchoir venait tout droit de chez la blanchisseuse, il eut soin de le plier et de le mettre dans sa poche pour s’en servir à l’occasion.

 

Il couva un moment son chef-d’œuvre d’un regard orgueilleux, et le tenant à bout de bras, il le jeta fort adroitement sur les épaules de son client ; puis, après l’avoir bien tendu par-derrière, il en drapa à la cavalière Akaki Akakiévitch. Vu son âge, celui-ci désira passer les manches. Pétrovitch y consentit et cette nouvelle épreuve réussit à merveille. Bref, le manteau allait à la perfection et n’avait besoin d’aucune retouche. Pétrovitch en profita pour déclarer que s’il avait demandé un prix aussi bas, c’était par égard pour une vieille pratique, et aussi parce qu’il travaillait en chambre dans une rue à l’écart. Un tailleur de la Perspective aurait certainement exigé soixante-quinze roubles, rien que pour la façon.

 

Akaki Akakiévitch ne releva pas le propos, tant les fortes sommes dont Pétrovitch aimait à éblouir ses clients lui faisaient peur. Il le paya, le remercia et partit sans plus tarder pour le ministère, revêtu de son manteau neuf. Pétrovitch descendit l’escalier à sa suite, et, une fois dehors, s’arrêta pour contempler de loin son chef-d’œuvre ; puis, enfilant une venelle, il déboucha dans la rue, quelques pas en avant d’Akaki Akakiévitch, afin d’admirer encore – de face, cette fois – le fameux manteau. Cependant, Akaki Akakiévitch cheminait en proie à une jubilation intense. La sensation constante du manteau neuf sur ses épaules le plongeait dans un ravissement qui, à plusieurs reprises, lui arracha de petits rires. Et comment ne pas exulter à la pensée que le manteau offrait le double avantage de bien aller et de tenir chaud !

 

 

Il se trouva au ministère avant d’avoir pu s’apercevoir du trajet parcouru. Il enleva son manteau au vestiaire, l’examina sur toutes les coutures et le confia aux soins tout particuliers du suisse. Je ne sais trop de quelle façon le bruit se répandit incontinent dans les bureaux qu’Akaki Akakiévitch avait un manteau neuf et que la « capote » avait terminé son existence. On accourut aussitôt au vestiaire pour s’en convaincre de visu. Les compliments se mirent à pleuvoir sur Akaki Akakiévitch, qui les accueillit d’abord avec des sourires, et bientôt avec une certaine confusion. Lorsque, le pressant à l’envi, ses collègues insistèrent pour qu’il arrosât l’étrenne et donnât pour le moins une soirée en cet honneur, Akaki Akakiévitch ne sut plus à quel saint se vouer. Après avoir longtemps cherché en vain une excuse plausible, il tenta assez naïvement de les persuader que le manteau n’était pas neuf ; rouge de honte, il prétendit que c’était toujours la vieille capote.

 

Finalement, l’un des fonctionnaires, un sous-chef de bureau si j’ai bonne mémoire, désireux sans doute de montrer qu’il n’était pas fier et ne craignait point de se commettre avec ses inférieurs, le tira d’embarras en déclarant :
« Eh bien, c’est moi qui donnerai la soirée à la place d’Akaki Akakiévitch. Je vous invite tous à venir ce soir prendre le thé chez moi, puisque aussi bien c’est aujourd’hui ma fête. »
Il va sans dire que messieurs les employés complimentèrent sans tarder le sous-chef et acceptèrent son invitation avec empressement. Akaki Akakiévitch voulut d’abord refuser, mais chacun lui ayant fait honte de son impolitesse, il dut céder aux remontrances. D’ailleurs, en réfléchissant à la chose, il vit, non sans plaisir, qu’elle lui permettait de parader une fois de plus dans son beau manteau neuf, et cette fois aux lumières.

Cette journée fut vraiment pour le pauvre diable une fête solennelle. Il rentra chez lui tout radieux, se dévêtit et pendit précautionneusement son manteau contre le mur, non sans en avoir encore admiré, et le drap, et la doublure ; puis il sortit sa vieille capote effilochée pour la comparer au manteau ; mais en la regardant il ne put se défendre de rire : la différence était vraiment par trop énorme ! Et tout le long de son repas, un ricanement sarcastique plissait ses lèvres chaque fois qu’il songeait à l’état lamentable de sa vieille houppelande. Après ce repas si gai, il négligea pour la première fois ses travaux de copie pour s’étendre sur son lit et faire quelque peu le sybarite jusqu’à la tombée de la nuit.

 

Alors, sans s’attarder davantage, il s’habilla, jeta son manteau sur ses épaules et sortit. Nous regrettons fort de ne pouvoir dire exactement où logeait le fonctionnaire qui l’avait invité : la mémoire commence à nous trahir ; les rues et les édifices de Pétersbourg se confondent si bien dans notre tête que nous n’arrivons plus à nous orienter dans ce vaste dédale. Il est en tout cas certain que le dit fonctionnaire résidait dans l’un des beaux quartiers, et par conséquent très loin d’Akaki Akakiévitch. Celui-ci dut suivre tout d’abord quelques rues sombres et quasi désertes fort parcimonieusement éclairées ; mais, à mesure qu’il approchait du but, l’animation se faisait plus vive et l’éclairage plus brillant. Parmi les passants, dont le nombre augmentait sans cesse, apparurent des dames élégamment vêtues et des messieurs à cols de castor.

Les menus traîneaux de bois treillage, tout bardés de clous dorés, cédèrent bientôt la place à de superbes équipages : hauts traîneaux vernis, protégés par une peau d’ours et conduits par des cochers à bonnet de velours framboise ; riches landaus à sièges ornementés qui faisaient grincer la neige sous leurs roues. Akaki Akakiévitch considérait toutes ces choses comme s’il les voyait pour la première fois, car depuis de longues années, il ne sortait plus le soir. Un tableau exposé dans une vitrine illuminée retint longuement son attention : une jolie femme enlevait son soulier, découvrant ainsi une jambe faite au tour, tandis qu’à travers la porte entrebâillée derrière elle, un monsieur portant royale et favoris jetait des regards indiscrets.

 

 

Akaki Akakiévitch hocha la tête, sourit et poursuivit son chemin. Que signifiait ce sourire ? Avait-il eu la révélation d’une chose qu’il ignorait, mais dont le vague instinct sommeille pourtant en chacun de nous ? S’était-il dit, comme tant de ses collègues : « Ah ! ces Français, il n’y a pas à dire, quand ils s’y mettent, … alors, n’est-ce pas, … c’est vraiment… tout à fait… » Il se peut aussi que notre héros n’ait pensé à rien de semblable : on ne saurait scruter l’âme humaine jusque dans son tréfonds et deviner tout ce qui s’y passe. Il atteignit enfin la demeure du sous-chef de bureau, lequel à coup sûr vivait sur un grand pied, car son appartement occupait le second étage et il y avait une lanterne dans l’escalier.

Quand il eut mis le pied dans l’antichambre, Akaki Akakiévitch aperçut sur le parquet des rangées entières de caoutchoucs au beau milieu desquels un samovar bourdonnait parmi des tourbillons de vapeur. À toutes les parois pendaient des pelisses et des manteaux, dont certains avaient même des cols de castor, et d’autres des revers de velours. Un sourd brouhaha qui venait de la pièce voisine s’amplifia soudain : une porte s’ouvrit, livrant passage à un domestique chargé d’un plateau qu’encombraient des verres vides, un pot de crème, une corbeille de biscuits, signe évident que messieurs les fonctionnaires tenaient depuis quelque temps séance et qu’ils avaient déjà absorbé leur premier verre de thé.

 

 

Akaki Akakiévitch accrocha son manteau à côté des autres et s’enhardit à pénétrer dans la pièce. Alors, tout d’un coup, les invités, les bougies, les pipes, les tables de jeu papillotèrent à ses yeux éblouis, cependant que le tapage des chaises déplacées et le tohu-bohu des conversations discordantes offusquaient brusquement ses oreilles. Ne sachant trop qu’entreprendre, il se figea dans une posture des plus gauches. Mais bientôt on l’aperçut, on l’acclama, on se précipita dans l’antichambre pour admirer une fois de plus le fameux manteau. Dans sa candeur naïve, Akaki Akakiévitch, encore que tout confus, se sentait flatté par ce concert de louanges. Ensuite, bien entendu, il ne tarda pas à être abandonné, lui et son manteau, pour les charmes du whist. Le vacarme, le bavardage, la foule, toutes ces choses inconnues plongeaient le pauvre homme dans une sorte d’hébétement : il ne savait que faire de ses mains, de ses pieds, de toute sa personne. Il finit par s’asseoir auprès des joueurs, dont il s’efforça de suivre le jeu ; il les dévisagea tour à tour, mais se sentit rapidement gagné par l’ennui et se prit à bâiller, car l’heure de son coucher avait depuis longtemps sonné.

 

Alors il voulut prendre congé du maître du logis ; personne n’y consentit ; chacun le retint, chacun insista pour lui faire sabler en l’honneur de l’étrenne au moins une flûte de champagne. Au bout d’une heure, on servit le souper qui comprenait une vinaigrette, du veau froid, une tourte, et des gâteaux avec accompagnement de champagne. Akaki Akakiévitch fut contraint de vider deux flûtes, qui l’émoustillèrent quelque peu sans toutefois lui permettre d’oublier qu’il était déjà minuit et grand temps de rentrer. De peur que son hôte ne protestât encore, il s’esquiva à l’anglaise, s’empara de son manteau qu’à son grand déplaisir il découvrit par terre, le secoua, l’épousseta soigneusement et descendit l’escalier.

 

Les lanternes brûlaient toujours dans les rues. Quelques échoppes, clubs attitrés des gens de maison et autres personnages de même volée, étaient encore ouvertes ; d’autres, bien que closes, laissaient échapper à travers l’huis un long rais de lumière, indice certain qu’elles n’étaient point dépourvues de société : ces messieurs et dames de l’office y poursuivaient leurs interminables commérages, cependant que leurs maîtres perplexes et morfondus se demandaient où ces dignes serviteurs avaient bien pu disparaître. Akaki Akakiévitch marchait d’un pas gaillard ; il se lança même soudain, Dieu sait pourquoi, sur les traces d’une dame qui glissa devant lui comme un météore et dont tout le corps semblait en mouvement. Mais il refréna vite cette pétulance et se demanda ce qui avait bien pu lui faire prendre le mors aux dents.

Et bientôt s’allongèrent devant lui ces voies solitaires, bordées de clôtures et de maisons de bois, si maussades même en plein jour, et que le soir rend d’autant plus lugubres, d’autant plus désolées. La lueur d’un réverbère ne se montrait plus que bien rarement : sans doute faisait-on des économies d’huile. Seule la neige scintillait sur la chaussée où ne se montrait âme qui vive, et le long de laquelle les masures assoupies sous leurs volets clos faisaient de sinistres taches noires. Enfin apparut un vaste espace vide, moins semblable à une place qu’à un horrible désert. Les bâtisses qui en marquaient la fin se devinaient à peine, et, perdue dans cette immensité, la lanterne d’une guérite avait l’air de brûler là-bas, très loin, au bout du monde.

 

 

Arrivé à cet endroit, Akaki Akakiévitch sentit son aplomb l’abandonner ; il eut le pressentiment d’un malheur et s’engagea sur la place avec une circonspection voisine de la crainte. Il jeta un regard en arrière, un regard à droite, un regard à gauche, et se crut égaré dans une mer de ténèbres. « Non, décidément, se dit-il, mieux vaut ne pas regarder. » Il avança donc les yeux fermés, et, quand il les rouvrit pour reconnaître si la traversée périlleuse allait bientôt prendre fin, il se trouva soudain presque nez à nez avec deux ou trois individus moustachus. Qu’étaient au juste ces gens ? Il n’eut pas le loisir de s’en rendre compte, car sa vue se troubla et son cœur se mit à battre à coups précipités.

« Hé, mais, ce manteau est à moi ! » s’écria d’une voix tonnante l’un des personnages.
Et il saisit au collet Akaki Akakiévitch qui déjà ouvrait la bouche pour appeler au secours. Aussitôt, l’autre escogriffe lui brandit sous le nez un poing gros comme la tête d’un fonctionnaire en disant :
« Renfonce ça, ou gare ! »

 

Akaki Akakiévitch plus mort que vif sentit seulement qu’on le dépouillait de son manteau. Un coup de genou dans le bas des reins l’envoya bouler dans la neige, où il finit de perdre ses esprits. Quand il les eut enfin recouvrés, il se releva et s’aperçut qu’il n’y avait plus personne autour de lui. Une vive sensation de froid lui rappela la disparition de son manteau ; il se mit à crier, mais d’une voix qui refusait d’atteindre les confins de l’étendue. Hagard, éperdu, vociférant, il prit sa course, piquant droit sur la guérite auprès de laquelle un garde de ville appuyé sur sa hallebarde ouvrait, je crois, de grands yeux curieux : que diable pouvait bien lui vouloir cet énergumène qui accourait vers lui en hurlant à tue-tête ? D’une voix haletante, Akaki Akakiévitch lui reprocha de dormir à son poste tandis qu’on dévalisait les passants.

Le garde de ville répliqua qu’il avait bel et bien vu deux hommes l’arrêter au milieu de la place.
« Mais, ajouta-t-il, je les ai crus de vos amis. Au lieu de m’injurier, vous feriez mieux de vous rendre dès demain chez M. le commissaire ; il vous retrouvera votre manteau en un tour de main. »

 

Akaki Akakiévitch fila d’un trait vers sa demeure, où il rentra en fort piètre état : les cheveux épars – j’entends les quelques touffes qui garnissaient encore ses tempes et sa nuque – la poitrine, les hanches, les jambes toutes maculées de neige. Aux coups terribles qu’il assenait sur la porte, sa bonne femme de logeuse, éveillée en sursaut, bondit de son lit et se précipita ; si dans sa hâte elle n’avait passé qu’une savate, en revanche elle ramenait d’une main pudique sa chemise sur sa poitrine. Le désarroi de son locataire la fit reculer d’effroi ; quand elle fut au courant de l’affreuse aventure, elle leva les bras au ciel et se répandit en bons conseils.

« Surtout, déclara-t-elle, gardez-vous bien de vous plaindre au commissaire du quartier, vous n’auriez que des déboires : pour ce gaillard-là, voyez-vous, promettre et tenir sont deux. Allez donc tout droit chez le commissaire d’arrondissement. Anna la Finnoise, mon ancienne domestique, s’est maintenant placée chez lui comme bonne d’enfants. Je le connais de vue, d’ailleurs : il passe souvent devant ma fenêtre et il ne manque pas une messe du dimanche. Tout en priant le bon Dieu, il regarde si gentiment le monde que ça doit, pour sûr, être la crème des hommes. »
Chapitré de la sorte, Akaki Akakiévitch se traîna tristement jusqu’à sa chambre. Comment passa-t-il le reste de la nuit ? On laisse le soin d’en juger aux personnes qui savent plus ou moins se mettre à la place d’autrui.

 

 

Le lendemain, dès la première heure, Akaki Akakiévitch se rendit au commissariat : M. le commissaire dormait encore. Il revint à dix heures : M. le commissaire dormait toujours.
Il revint à onze heures : M. le commissaire était sorti. Il revint à l’heure du dîner : les gratte-papier, l’arrêtant au passage, voulurent à tout prix savoir ce qui l’amenait, ce qu’il désirait, ce qui lui était advenu. Akaki Akakiévitch, à bout de patience, montra une fois dans sa vie de la fermeté : il leur déclara tout net qu’il entendait voir le commissaire en personne, car il venait du ministère pour affaire urgente ; s’ils prétendaient le retenir, il se plaindrait d’eux, et alors ils verraient ce que ça leur coûterait… Les scribouillards n’osèrent rien répliquer à de pareils arguments et l’un d’eux s’en alla prévenir M. le commissaire.

 

M. le commissaire accueillit le récit du vol d’une façon fort étrange : au lieu de prêter attention au fond même de l’affaire, il se mit à questionner Akaki Akakiévitch : pourquoi rentrait-il si tard ? d’où venait-il ? de quelque mauvais lieu, peut-être ? Tant et si bien que le pauvre homme se retira tout penaud en se demandant s’il serait ou non donné suite à sa plainte.

Ce jour-là, pour la seule et unique fois de son existence, Akaki Akakiévitch n’alla pas au bureau. Il y apparut le lendemain, blême comme un mort et vêtu de sa vieille capote plus minable que jamais. L’histoire du vol émut presque tous ses collègues, encore que d’aucuns y trouvassent nouvelle matière à raillerie. Une collecte organisée aussitôt ne produisit pas grand-chose : ces messieurs avaient dû récemment souscrire au portrait de leur directeur ainsi qu’à je ne sais quel ouvrage patronné par leur chef de division.

L’un d’eux, cependant, mû par un sentiment de pitié, voulut au moins donner un bon conseil à Akaki Akakiévitch. Il le dissuada de recourir au commissaire de son quartier ; en admettant même, chose évidemment possible, que, pour se faire bien voir de ses chefs, le digne homme retrouvât le corps du délit, Akaki Akakiévitch n’en rentrerait pas pour autant en possession de son bien : comment fournirait-il la preuve que ce vêtement était vraiment à lui ? Mieux valait donc s’adresser à un certain « personnage considérable », lequel, après s’être mis par voie écrite et orale en rapport avec qui de droit, donnerait sans doute à l’affaire une tournure plus favorable.

 

En désespoir de cause, Akaki Akakiévitch résolut d’aller trouver ce personnage dont, à parler franc, nul ne savait en quoi consistaient les fonctions. Il faut dire que ledit personnage n’était devenu important que depuis peu ; du reste, par rapport à d’autres plus considérables, la place qu’il occupait n’était pas tenue pour bien importante. Mais il se trouve toujours des gens pour attacher de l’importance à des choses qui n’en ont aucune. Lui-même, d’ailleurs, avait grand soin de souligner son importance par les moyens les plus divers : quand il arrivait à son bureau, le petit personnel était tenu de se porter en corps à sa rencontre ; on ne pouvait s’adresser à lui autrement que par la voie hiérarchique : l’enregistreur de collège faisait son rapport au conseiller de province, le conseiller de province au conseiller titulaire ou à tel autre fonctionnaire que de droit.

 

 

L’esprit d’imitation a fortement infecté notre sainte Russie, chacun veut y jouer au chef et copier plus haut que soi : certain conseiller titulaire appelé à diriger un office sans conséquence, s’empressa, dit-on, d’y ménager à l’aide d’une cloison une façon de chambre pompeusement dénommée : « cabinet du directeur » ; des huissiers à col rouge et galonnés sur toutes les coutures ouvraient à tout venant la porte de ce repaire, où un fort modeste bureau avait peine à tenir. Notre personnage important affectait un air noble et des manières hautaines. Son système, des plus simples, reposait uniquement sur la sévérité. « De la sévérité, encore de la sévérité, toujours de la sévérité ! » répétait-il sans cesse en foudroyant son interlocuteur d’un regard significatif encore que superflu, les dix ou douze employés qu’il avait sous ses ordres étant saturés de respect et de crainte salutaire : dès qu’ils le voyaient venir, ils abandonnaient leurs occupations et attendaient, figés au garde-à-vous, qu’il eût daigné traverser leur bureau.

Adressait-il la parole à plus petit que lui, c’était toujours sur un ton rêche et pour poser le plus souvent l’une des trois questions suivantes : « Où prenez-vous cette arrogance ? Savez-vous à qui vous parlez ? Comprenez-vous devant qui vous êtes ? »

 

C’était pourtant un brave homme, fort obligeant, et, naguère encore, d’un commerce agréable avec ses amis ; mais le titre d’Excellence lui avait complètement tourné la tête. Dès qu’il eut obtenu ce titre, son esprit s’égara, il perdit tout contrôle sur soi-même. Avec ses égaux, il se conduisait encore en homme bien élevé, pas bête du tout sous bien des rapports ; mais si d’aventure se mêlaient à la compagnie des personnes inférieures, ne fût-ce que d’un grade, au rang qu’il occupait dans la hiérarchie, il devenait aussitôt insupportable, oubliait toute bienséance et ne soufflait mot. Cela ne l’empêchait pas de se rendre compte qu’il aurait pu passer le temps d’une manière beaucoup plus agréable. Il faisait alors peine à voir : on lisait dans ses yeux le vif désir de prendre part à telle conversation, de se mêler à tel groupe, tout en le sentant retenu par la crainte de compromettre sa dignité, de porter atteinte à son prestige. À force de se cantonner dans un farouche silence entrecoupé de vagues monosyllabes, il passa bientôt pour le plus parfait malotru du monde.

 

 

Akaki Akakiévitch arriva chez ce personnage à un moment fort mal choisi – pour lui, du moins, car ledit grand personnage n’en pouvait rêver de plus propice à l’étalage de son importance. Enfermé dans son cabinet directorial, il y devisait de fort belle humeur avec un sien ami et camarade d’enfance qu’il avait perdu de vue depuis plusieurs années. Prévenu qu’un certain Bachmatchkine demandait à le voir :
« Qui est-ce ? demanda-t-il d’un ton brusque.
– Un fonctionnaire, lui fut-il répondu.
– Ah ! Eh bien, qu’il attende ! Je suis occupé. »

 

C’était là, il faut l’avouer, un impudent mensonge : notre important personnage n’était pas le moins du monde occupé. La conversation languissait depuis un certain temps déjà ; de longs intervalles la coupaient au cours desquels les deux amis se tapotaient mutuellement les cuisses en répétant : « C’est comme ça, Ivan Abramovitch ! – Certainement, Stépane Varlamovitch ! » En donnant ordre de faire attendre Bachmatchkine, notre homme entendait simplement montrer à son ami retiré du service au fond de la campagne, le pouvoir qu’il détenait sur les fonctionnaires obligés d’attendre son bon plaisir dans son antichambre. Quand, le cigare aux lèvres et renversés dans de confortables fauteuils à bascule, ces messieurs eurent bavardé ou plutôt se furent tus à leur aise, le puissant personnage parut soudain se souvenir de quelque chose et dit à son secrétaire qui se montrait à la porte avec des dossiers sur les bras :
« À propos, je crois qu’il y a là un fonctionnaire. Vous pouvez le faire entrer. »

 

À l’aspect du piteux Akaki Akakiévitch et de son non moins piteux uniforme, notre important personnage se tourna brusquement vers lui :
« Que désirez-vous ? » lui demanda-t-il de cette voix rêche et coupante dont il avait fait l’apprentissage devant son miroir, dans la solitude de sa chambre, une bonne semaine avant la promotion qui avait fait de lui une Excellence. Pénétré dès l’abord d’une crainte salutaire, Akaki Akakiévitch entama pourtant du mieux que le lui permit sa langue hésitante, un discours pavoisé de « n’est-ce pas » plus fréquents que de coutume : « Il avait un manteau flambant neuf ; on le lui avait volé sans merci ; il suppliait Son Excellence d’intervenir comme bon lui semblerait, en écrivant à qui de droit, au préfet de police ou à un autre personnage pour activer les recherches… »

 

Le personnage important trouva, Dieu sait pourquoi, cette requête directe d’une familiarité excessive.
« Ah çà, monsieur, s’exclama-t-il de son ton le plus cassant, où croyez-vous donc être ? Ignorez-vous à ce point les usages ? Vous auriez dû tout d’abord présenter votre requête à l’employé de service ; celui-ci l’eût transmise en bonne et due forme au chef de bureau, le chef de bureau au chef de division, le chef de division à mon secrétaire, lequel me l’aurait enfin soumise. »
Akaki Akakiévitch sentit la sueur le baigner. Il rassembla pourtant le peu de courage qui lui restait pour balbutier :
« Que Votre Excellence daigne m’excuser… Si je me suis permis de la déranger…, c’est que les secrétaires, n’est-ce pas…, on ne peut guère se fier à eux…
– Comment ! Comment ! s’écria le personnage important. Qu’osez-vous insinuer par là ? D’où viennent ces idées subversives ? Où donc les jeunes gens d’aujourd’hui prennent-ils cet esprit d’insubordination, ce manque de respect envers leurs chefs et les autorités établies ? »
Le personnage important n’avait sans doute point remarqué qu’ayant déjà passé la cinquantaine, Akaki Akakievitch ne pouvait être rangé parmi les jeunes gens que d’une façon toute relative, par comparaison avec les vieillards de soixante-dix ans et plus.

« Savez-vous à qui vous tenez ce langage ? Comprenez-vous devant qui vous êtes ? Le comprenez-vous ? Le comprenez-vous, voyons, je vous le demande ? »
Il lança cette dernière phrase en tapant du pied et d’une voix montée à un tel diapason que des gens plus assurés qu’Akaki Akakiévitch n’en eussent pas moins perdu contenance. Akaki Akakiévitch, lui, se sentit prêt à défaillir : il tremblait de tout le corps, ses jambes vacillaient, flageolaient, et, si les huissiers accourus ne l’avaient point reçu dans leurs bras, il serait immanquablement tombé de tout son long. On l’emporta presque sans connaissance. Enchanté que l’effet eût dépassé toutes ses prévisions, exultant à l’idée que sa parole pouvait priver un homme de sentiment, le personnage considérable observa du coin de l’œil l’impression que cette scène avait produite sur son ami, et fut tout heureux de constater que ledit ami paraissait vaguement mal à l’aise.

 

 

Akaki Akakiévitch descendit l’escalier et se retrouva dans la rue sans savoir comment. Il ne sentait plus ni ses bras ni ses jambes. Jamais encore il n’avait été si vertement tancé par une Excellence et, qui plus est, par une Excellence dont il ne dépendait point. Il marchait en chancelant et bouche bée, chassé à tout instant du trottoir sur la chaussée par la neige qui tourbillonnait rageusement, par le vent qui soufflait sur lui de tous les côtés à la fois, comme il est de règle à Pétersbourg.

Il attrapa en un clin d’œil une belle et bonne angine, et quand, enfin, il se retrouva chez lui, il lui fallut se coucher sans que sa gorge enflée lui permît d’émettre le moindre son. Telles sont parfois les suites d’un sérieux lavage de tête ! Grâce à la généreuse assistance du climat pétersbourgeois, la maladie évolua plus rapidement qu’on aurait pu s’y attendre ; aussi, quand le médecin fut arrivé et qu’il eut pris le pouls d’Akaki Akakiévitch, il ne put que prescrire un cataplasme, et encore uniquement pour ne pas priver le malade du secours efficace de la médecine. Il déclara d’ailleurs tout franc que ledit malade n’en avait pas pour deux jours, puis se tournant vers la logeuse, il ajouta :
« Allons, ma bonne dame, ne perdez pas votre temps inutilement ; allez vite commander un cercueil de sapin : le chêne serait trop cher pour lui. »

 

Akaki Akakiévitch perçut-il ces paroles fatales ? Et s’il les entendit, en fut-il douloureusement affecté ? Regretta-t-il sa pitoyable existence ? On l’ignorera toujours, car il délira sans arrêt jusqu’à sa dernière heure. Des visions, toutes plus bizarres les unes que les autres, le harcelaient à qui mieux mieux. Tantôt il voyait Pétrovitch et lui commandait un manteau muni de pièges pour les voleurs qui assiégeaient son lit, si bien qu’il ne cessait d’appeler sa logeuse pour qu’elle en retirât un de dessous sa couverture ; tantôt il demandait pourquoi sa vieille capote pendait au mur alors qu’il possédait un beau manteau tout neuf. Tantôt il croyait encore subir la mercuriale du grand personnage et lui répondait humblement : « Faites excuse, Excellence ! » Tantôt il blasphémait de si furieuse façon que sa logeuse se signait, interdite : comment cet homme qui n’élevait jamais la voix pouvait-il proférer d’aussi horribles jurons et, chose plus grave, les accoler au noble nom d’Excellence ? Vers la fin, Akaki Akakiévitch se mit à bredouiller des paroles incohérentes, mais qui n’en témoignaient pas moins que toutes ses pensées continuaient de tourner confusément autour du manteau.

 

Quand le pauvre Akaki Akakiévitch eut rendu le dernier soupir, on ne mit de scellés ni sur sa chambre ni sur ses affaires : il n’avait aucun héritier et ne laissait pour tout avoir qu’un paquet de plumes d’oie, une main de papier-ministre, trois paires de chaussettes, deux ou trois boutons et la fameuse capote. Qui s’empara de tout cela ? Je dois avouer que l’auteur de ce récit ne s’en est pas autrement préoccupé.

 

On emporta le mort, on le mit en terre et Pétersbourg demeura sans Akaki Akakiévitch. Il disparut à jamais, cet être sans défense à qui personne n’avait jamais témoigné d’affection, ni porté le moindre intérêt, non, personne, pas même l’un de ces naturalistes toujours prêts à épingler la plus banale des mouches pour l’examiner au microscope. Si ce souffre-douleur, résigné à subir les railleries de ses collègues, incapable d’accomplir la moindre action remarquable, avait vu soudain sa triste existence illuminée – un court instant, et juste vers la fin, – par la vision radieuse d’un manteau neuf, c’était pour que le malheur s’abattît sur lui comme il s’abat sur les puissants de ce monde !…

 

Quelques jours après sa disparition, un huissier du ministère vint lui intimer l’ordre de reprendre son service. L’huissier ne put évidemment remplir sa mission et dut déclarer à qui de droit qu’on ne reverrait plus Akaki Akakiévitch.
« Et pourquoi cela ? lui demanda-t-on.
– Parce qu’il est mort, répondit-il. Voilà tantôt quatre jours qu’on l’a porté en terre. »
C’est ainsi qu’on apprit au ministère le décès d’Akaki Akakiévitch. On le remplaça dès le lendemain : le nouvel expéditionnaire avait la taille beaucoup plus élevée et l’écriture beaucoup plus penchée.

 

Cependant Akaki Akakiévitch n’avait pas dit son dernier mot… Qui l’aurait cru appelé à mener outre-tombe une existence mouvementée, à connaître quelques bruyantes aventures, sans doute pour compenser le peu d’éclat de sa vie terrestre ? Il en fut pourtant ainsi et notre modeste récit va devoir se terminer sur une note à la fois fantastique et inattendue. Le bruit se répandit soudain à Pétersbourg que le spectre d’un fonctionnaire apparaissait la nuit aux alentours du pont Kalinkine ; sous couleur de reprendre un manteau volé, le spectre enlevait aux passants de toutes conditions leurs manteaux, quels qu’ils fussent, ouatés, fourrés, à col de chat, à col de castor, pelisses de raton, pelisses d’ours ou de renard, bref, toutes les peaux dont les hommes font usage pour recouvrir la leur. Un des anciens collègues de feu Bachmatchkine vit même le revenant de ses propres yeux et reconnut aussitôt Akaki Akakiévitch ; toutefois il n’eut point le loisir de l’examiner de près, la frayeur lui ayant fait prendre les jambes à son cou dès qu’il aperçut ce fantôme qui le menaçait de loin.

 

Les plaintes affluaient de toutes parts. Passe encore pour le dos et les épaules des conseillers titulaires ; mais les vols de manteaux risquaient fort d’enrhumer jusqu’aux conseillers auliques. La police reçut l’ordre de se saisir du fantôme mort ou vif, et de lui infliger une sévère correction qui pût servir d’exemple aux autres. On faillit presque réussir. Rue Kiriouchkine, en effet, un garde de ville parvint à mettre la main au collet du mort, au moment où celui-ci arrachait le manteau d’un musicien en retraite, lequel en son temps avait eu un joli talent de flûtiste.

Le garde appela aussitôt deux de ses collègues à son aide ; il les pria de maintenir solidement le fantôme, tandis que lui-même cherchait sa tabatière au fond de sa botte afin de ranimer son nez qui avait déjà gelé six fois au cours de son existence. Mais le tabac était apparemment si fort que le spectre lui-même ne put y résister. À peine le gardien de l’ordre eut-il bouché d’un doigt sa narine droite pour en aspirer de la gauche une demi-pincée, que le mort fit entendre un prodigieux éternuement dont les éclaboussures aveuglèrent les trois argousins. Et tandis qu’ils levaient les poings pour se frotter les yeux, le fantôme leur brûla si gentiment la politesse qu’ils se demandèrent s’ils l’avaient réellement tenu entre leurs mains. Depuis ce moment, les gardes de ville conçurent une telle peur des morts qu’ils craignirent d’arrêter les vivants ; ils se contentèrent de crier aux suspects : « Eh, là-bas, le particulier, tâche voir à passer ton chemin, hein ? » Quant à l’employé-fantôme, il osa même se montrer au-delà du pont Kalinkine, non sans semer la terreur parmi les esprits pusillanimes.

 

 

Mais nous avons entièrement délaissé le fameux « personnage considérable » grâce auquel, après tout, cette histoire vraie a dû prendre une tournure fantastique. L’impartialité nous oblige à reconnaître que, peu après le départ du malheureux, le personnage important éprouva quelque regret de l’avoir si rudement rabroué. La pitié ne lui était pas étrangère, et certains bons sentiments, que sa dignité l’empêchait bien souvent de laisser paraître, trouvaient pourtant refuge au fond de son cœur. Dès que son ami l’eut quitté, il se prit à songer au pâle fonctionnaire que venaient d’anéantir les foudres de sa colère directoriale. Depuis lors cette image le harcela tant et si bien qu’au bout de huit jours, n’y tenant plus, il envoya un employé s’enquérir du bonhomme : comment allait-il, en quoi pouvait-on lui être utile ?

 

Quand il apprit qu’Akaki Akakiévitch avait succombé à un brusque accès de fièvre chaude, cette nouvelle stupéfiante éveilla en lui des remords et le mit pour toute la journée de fort mauvaise humeur. Éprouvant le besoin de se distraire, de secouer cette pénible impression, il se rendit chez l’un de ses amis qui donnait une soirée. Il trouva là une compagnie fort agréable, presque entièrement composée de personnes du même rang que lui. Rien donc ne pouvait le gêner et cette circonstance eut une action fort heureuse sur son état d’esprit : il s’épanouit, se montra brillant, bref passa une excellente soirée. Au souper, il sabla une ou deux flûtes de champagne, boisson, comme on le sait, plutôt propice à dissiper les humeurs noires. Le champagne lui inspira le désir de quelque extra ; au lieu de rentrer tout droit chez lui, il résolut donc de rendre visite à une certaine Caroline Ivanovna, dame d’origine allemande, je crois, pour laquelle il professait des sentiments tout à fait amicaux. Il faut dire que le personnage considérable, bon mari et non moins bon père de famille, était d’âge respectable.

 

Deux fils, dont l’un avait déjà pris du service et une charmante fille de seize ans au nez un peu retroussé, mais charmant quand même, venaient tous les matins lui baiser la main en disant : « Bonjour papa. »Sa femme encore fraîche et point mal du tout de sa personne lui baisait également la main ; mais au préalable il avait baisé la sienne. Bien que ces plaisirs familiaux lui donnassent pleine satisfaction, le personnage important jugeait cependant convenable d’entretenir dans un autre quartier de la ville des rapports fort cordiaux avec une aimable amie, laquelle n’était d’ailleurs ni plus jeune ni plus jolie que sa femme. C’est là une de ces énigmes fréquentes en ce bas monde et qu’il ne nous appartient point d’expliquer.
Le personnage important descendit donc l’escalier, prit place dans son traîneau et dit au cocher :
« Chez Caroline Ivanovna ! »

 

Bien emmitouflé dans sa confortable pelisse, il s’abandonnait à ce délicieux état d’âme, le plus désirable qui soit pour un Russe, au cours duquel des pensées infiniment agréables viennent d’elles-mêmes vous visiter sans que vous ayez besoin de les poursuivre. Il se remémorait tous les épisodes de la soirée, toutes les plaisanteries qui avaient tant égayé le petit cercle d’amis ; il répétait même à mi-voix certains bons mots, leur trouvait toujours autant de sel et constatait qu’il avait eu pleinement raison d’y prendre un plaisir extrême. De temps à autre cependant, de cinglantes rafales interrompaient cette douce quiétude. Accourues Dieu sait d’où et dans quel dessein, elles lui envoyaient au visage des paquets de neige, houspillaient comme elles l’eussent fait d’un voile la pèlerine de son manteau ou la lui rejetaient rageusement sur la tête, ce qui l’obligeait à d’éternels efforts pour se dégager.

 

Soudain, le personnage considérable sentit qu’une main vigoureuse le saisissait au collet. Il tourna la tête et aperçut un homme de petite taille, vêtu d’un vieil uniforme élimé, dans lequel il reconnut non sans effroi Akaki Akakiévitch ; sa face d’une blancheur de neige avait une expression cadavérique. L’effroi du personnage important dépassa toutes limites quand le mort entrouvrit la bouche dans un rictus et, lui soufflant au visage une odeur sépulcrale, prononça ces paroles :
« Ah ! Ah ! te voilà, je puis enfin te prendre au collet ! C’est ton manteau qu’il me faut. Tu n’as pas voulu, n’est-ce pas, faire rechercher le mien, tu m’as même savonné la tête ! Eh bien, maintenant, n’est-ce pas, donne-moi le tien. »

 

Le malheureux personnage important faillit trépasser de frayeur. D’ordinaire il se montrait très ferme… envers ses subordonnés et tous ses inférieurs en général ; son aspect martial faisait dire à tout le monde : « Oh, oh, quel caractère ! » Mais cette nuit-là, semblable en ceci à nombre de gens bâtis en hercules, il céda à une si furieuse épouvante que, non sans raison, il y vit le prélude d’une grave maladie. Il jeta lui-même son manteau loin de lui et cria au cocher d’une voix éperdue :« À la maison !… Au galop !… »

 

À ces mots prononcés sur un ton qu’on n’emploie qu’aux instants décisifs et qu’accompagnent bien souvent des gestes encore plus décisifs, le cocher crut bon, pour plus de sûreté, de rentrer sa tête dans ses épaules ; puis, à grands coups de fouet, il lança son cheval à fond de train.
Quelque six minutes plus tard, l’important personnage se retrouvait chez lui, et non point chez Caroline Ivanovna. Sans manteau, livide, effaré, il se traîna jusqu’à sa chambre, où il passa une nuit fort agitée, si bien que le lendemain, pendant le petit déjeuner, sa fille lui dit de sa voix ingénue :
« Comme tu es pâle, aujourd’hui, papa ! »
Mais papa ne répondit rien. Il n’eut garde de raconter à personne ni où il était allé, ni où il avait eu la tentation d’aller, ni encore moins ce qui lui était advenu en chemin.

 

Cet événement lui fit une impression si forte qu’il renonça désormais aux fameuses expressions : « Où prenez-vous cette arrogance ? Comprenez-vous devant qui vous êtes ? » Du moins ne les proférait-il plus avant d’avoir compris de quoi il retournait.

 

 

Chose encore plus remarquable, à partir de cette nuit-là les apparitions de l’employé-fantôme cessèrent complètement : la pelisse de Son Excellence avait sans doute comblé ses vœux. En tout cas, on n’entendit plus parler de manteaux volés. Toutefois, les esprits défiants ne se tranquillisèrent pas pour autant ; ils prétendirent même que le revenant se montrait encore dans certains quartiers éloignés.

De fait, dans celui de Kolomna, un factionnaire le vit de ses propres yeux apparaître à un coin de rue. Par malheur, cet homme était de constitution débile ; une fois même un petit cochon de lait l’avait, en s’échappant d’une cour, bel et bien renversé, aux grands éclats de rire de quelques cochers de fiacre, qu’il punit ensuite de cette insolence en les rançonnant chacun d’un liard pour s’acheter du tabac. En raison donc de sa constitution débile, le garde n’osa point arrêter le fantôme ; il se contenta de le suivre dans l’obscurité. Bientôt le spectre s’arrêta et fit une brusque volte-face.

« Que veux-tu ? » demanda-t-il en lui montrant un poing dont on eût difficilement trouvé le pareil même chez les vivants.
« Rien du tout ! » répondit le garde, qui s’empressa de faire demi-tour.
Le fantôme était cette fois de taille beaucoup plus haute et pourvu d’énormes moustaches. Il paraissait vouloir gagner le pont Oboukhov et disparut bientôt complètement dans les ténèbres nocturnes…

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Nikolaï Gogol – Le manteau (La Capote)

Nouvelle fantastique – Littérature Russe

 

 

 

Livre audio: “Le Manteau” de Nicolaï Gogol

https://www.youtube.com/watch?v=6lvSJLqgNfw

 

 

 

Nikolaï Gogol

 

 

Nicolas Vassiliévitch Gogol est un romancier, nouvelliste, dramaturge, poète et critique littéraire russe d’origine ukrainienne, né à Sorotchintsy dans le gouvernement de Poltava (Empire russe) le 20 mars 1809 et mort à Moscou le 21 février 1852.

Nikolaï Gogol est considéré comme l’un des écrivains classiques de la littérature russe.

 

 

 

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