ERNEST HEMINGWAY Conte LES TUEURS The Killers TEXTE Nouvelle

 

 

 

Ernest Hemingway

Les Tueurs

The Killers

(1927)

 

 

Conte courtes

Texte traduit en français

 

 

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Histories courtes – nouvelle

Littérature nord-américaine

 

 

Les Tueurs (en: The Killers) est une nouvelle d’Ernest Hemingway, l’une de ses histoires les plus connues.

La nouvelle Les Tueurs de Ernest Hemingway a été publiée pour la première fois en mars 1927 en anglais sous le titre “The Killers” dans le magazine “Scribner’s Magazine”.

L’histoire courtes “The killers” (Les tueurs) est considérée comme l’une des meilleures nouvelles de Ernest Hemingway et de la littérature nord-américaine.

Ci-dessous, nous présentons le texte complet de la conte courtes de Ernest Hemingway “Les tueurs” traduite en français.

La version avec le texte original en anglais de la nouvelle de Ernest Hemingway “The Killers” (fra: Les tueurs) peut être trouvée sur yeyebook en cliquant ici.

Dans le menu en haut ou sur le côté, vous pouvez trouver le texte de la nouvelle de Ernest Hemingway “Les tueurs” (anglais: The Killers) traduite en yeyebook dans d’autres langues: italien, allemand, espagnol, chinois, etc.

Bonne lecture, mais ne restez pas au lit à attendre …

 

 

 

Ernest Hemingway

Les Tueurs

The Killers

(1927)

 

Nouvelle – Historie courtes

Texte intégral traduit en français

 

 

La porte du restaurant Henry’s s’ouvrit et deux hommes entrèrent. Ils s’assirent devant le comptoir.

– Qu’est-ce que ce sera ? leur demanda Georges.
– J’sais pas, dit l’un des hommes. Qu’est-ce que tu veux bouffer, Al ?
– J’sais pas, fit Al. J’sais pas ce que veux bouffer.

Dehors il commençait à faire sombre. La lueur du réverbère s’alluma derrière la vitre. Les deux hommes assis au comptoir consultèrent le menu. A l’autre bout du comptoir, Nick Adams les regardait. Il causait avec Georges quand ils étaient entrés.

 

– Pour moi un filet de porc avec de la marmelade aux pommes et pommes purée, fit le premier des deux hommes.
– C’est pas encore prêt.
– Alors pourquoi que vous foutez ça sur la carte ?
– C’est pour le dîner, expliqua Georges. Je pourrai vous servir ça à six heures.
Georges regarda l’horloge accrochée au mur derrière le comptoir.
– Il n’est que cinq heures.
– La pendule dit cinq heures vingt, fit le deuxième homme.
– Elle avance de vingt minutes.
– Ah ! et puis merde pour la pendule ! fit le premier. Qu’est-ce que vous avez à bouffer ?
– J’peux vous servir des sandwiches n’importe quelle sorte, dit Georges. J’peux vous servir des œufs au jambon, des œufs au bacon, du foie au bacon ou du bifteck.
– Donnez-moi des croquettes de poulet, sauce crème, des petits pois et des pommes purée.
– Ça c’est encore pour le dîner.
– Alors quoi, tout ce qu’on demande c’est pour le dîner ? C’est comme ça que vous travaillez ?
– J’peux vous servir des œufs au jambon, des œufs au bacon, du foie…
– Moi, ce sera des œufs au jambon, fit l’homme que son compagnon avait appelé Al. Il portait un melon et un pardessus noir croisé sur la poitrine. Il avait une petite figure toute blanche et des lèvres serrées. Il portait un cache-nez en soie et des gants.

 

– Donnez-moi des œufs au bacon, fit l’autre. Il était à peu près de la même taille qu’Al. Leurs visages étaient différents,
mais ils étaient vêtus comme des jumeaux. Les deux portaient des pardessus trop étroits. Ils étaient assis, le buste en
avant, les coudes sur le comptoir.
– Vous servez à boire ?
– Bière, argent, bévo, ginger ale, fit Georges.
– J’ai dit : vous servez à boire ?
– Rien que ce que je viens de dire.
– A la bonne heure, il est gai, le patelin, fit l’homme. Comment il s’appelle ?
– Summit.

Al se tourna vers son ami :
– T’en avais déjà entendu causer, toi ?
– Jamais, répondit l’ami.
– Qu’est-ce qu’on fabrique ici, la nuit ? demanda Al.
– On bouffe le dîner, dit son ami. On vient ici bouffer le grrrand dîner.
– C’est juste, fit Georges.
Al s’adressa à Georges :
– Tu trouves que c’est juste, toi ?
– Sûr.
– Toi, t’es un petit loustic, pas vrai ?
– Sûr.
– Eh bien, c’est pas vrai, fit l’autre petit homme. Tu crois que c’est un petit loustic, toi, Al ?
– Moi, je crois que c’est un idiot, fit Al, qui se tourna vers Nick.

– Comment tu t’appelles ?
– Adams.
– Encore un petit loustic, fit Al. Pas vrai que c’est un petit loustic, Max ?
– Le patelin est plein de petits loustics.

 

Georges posa sur le comptoir les deux plats contenant, l’un les œufs au jambon, l’autres les œufs au bacon. Il mit à côté deux soucoupes chargées de pommes frites et ferma le guichet de la cuisine.
– Lequel est pour vous ? demanda-t-il à Al.
– Tu t’en rappelles pas ?
– Les œufs au jambon.
– Ah ! petit loustic ! fit Max.
Il se pencha et attira à lui les œufs au jambon. Les deux hommes mangèrent sans ôter leurs gants. Georges les regardait manger.

– Qu’est-ce que tu regardes, toi ?
– Moi ? Rien ?
– Faut pas me dire ça. T’étais en train de me regarder.
– Le pauvre gosse, c’était peut-être pour rire, Max, dit Al.
Georges rit.
– T’as pas besoin de rire, lui dit Max. T’as pas besoin de rire du tout, compris ?
– Ça va, fit Georges.

Max se retourna vers Al :

– Dis donc, il pense que ça va. Ecoute-le. Il pense que ça va. Elle est bonne celle-là.
– Oh ! c’est un vrai penseur, fit Al !
Ils continuèrent de manger. Al demanda à Max :
– Comment qu’il s’appelle, le petit loustic qui est au bout du comptoir ?
– Eh là-bas, le petit loustic, fit Max s’adressant à Nick. Passe donc derrière le comptoir et mets-toi avec ton petit copain.
– Qu’est-ce qui vous prend ? demanda Nick.
– Rien du tout.
– Je te conseille de passer derrière le comptoir, petit loustic, fit Al.

 

Nick passa derrière le comptoir.
– Qu’est-ce qui vous prend ? demanda Georges.
– C’est pas tes oignons, fit Al. Qui est dans la cuisine ?
– Le nègre.
– Qui ça, le nègre ?
– Celui qui fait la cuisine.
– Dis-lui qu’il s’amène par ici.
– Pourquoi ça ?
– Dis-lui qu’il s’amène par ici.
– Où croyez-vous donc que vous êtes ?
– On le sait, bouffi, fit le nommé Max. Ce serait-y qu’on cause pour ne rien dire ?
– Tu causes pour ne rien dire, lui dit Al.

 

Pourquoi que tu discutes comme ça avec ce gosse ? Ecoute, fit-il à Georges, dis au nègre qu’il s’amène par ici.
– Qu’est-ce que vous allez lui faire ?
– On veut rien y faire. Tire donc parti de ta caboche. Qu’est-ce que nous autres on ferait à un nègre ?
Georges poussa le guichet qui ouvrait dans la cuisine.
– Sam, appela-t-il. Viens ici une minute.
La porte de la cuisine s’ouvrit et le nègre entra.
– Qu’est-ce qu’on me veut ? demanda-t-il.
Les deux hommes assis au comptoir lui jetèrent un coup d’œil.
– Ça va bien, pruneau. Ne bouge pas de là, fit Al.
Sam, le nègre, debout et ceint de son tablier, regarda les deux hommes assis au comptoir. « Oui, M’sieu », fit-il. Al descendit de son tabouret.
– Moi, je vais dans la cuisine avec le nègre et le petit loustic numéro deux, fit-il. Rentre dans ta cuisine pruneau. Toi, tu vas avec, petit loustic.

 

Le petit homme entra dans la cuisine derrière Nick et Sam, le cuisinier. La porte se referma sur eux. Le nommé Max resta assis au comptoir, devant Georges. Il ne regardait pas Georges, mais la glace qui s’allongeait derrière le comptoir. Henry’s était un bar avant d’être transformé en restaurant.

– Eh bien, petit loustic, fit Max, les yeux au miroir. Pourquoi que tu ne dis rien ?
– Qu’est-ce que c’est que toute cette histoire ?
– Eh, Al, appela Max, le petit loustic qui veut savoir ce que c’est que toute cette histoire !
– Pourquoi tu ne lui dis pas ? fit la voix d’Al dans la cuisine.
– Qu’est-ce que tu crois que c’est, que cette histoire ?
– Je ne sais pas.
– Tu dois avoir une idée ?

 

Max ne quittait pas le miroir des yeux tout en parlant.
– J’voudrais pas la dire.
– Eh, Al, le petit loustic dit comme ça qu’il voudrait pas dire quelle idée qu’il a de cette histoire.
– J’entends bien, fit Al de la cuisine. Il avait calé avec une bouteille de sauce tomate le guichet qui permettait de passer les plats de la cuisine dans la salle de restaurant. Ecoute, petit loustic, fit-il à Georges de la cuisine. Mets-toi un peu plus loin sur le comptoir. Toi, Max appuie un peu à gauche.

Il avait l’air d’un photographe qui pose un groupe.
– Cause-moi donc, petit loustic, fit Max.
Qu’est-ce que tu crois qui va se passer ?
Georges ne souffla mot.
– Je vais te dire, moi, fit Max. On va tuer un Suédois. Tu connais un grand Suédois qui s’appelle Ole Andreson.
– Oui.
– Il bouffe ici tous les soirs, pas vrai ?
– Des fois.
– Il vient à six heures, pas vrai ?
– Quand il vient.
– On le sait, petit loustic, dit Max. Cause-moi d’autre chose. Tu vas quéquefois au cinéma ?
– Des fois.
– Tu devrais y aller plus souvent. Le cinéma, c’est bath pour un type dans ton genre.

 

– Pourquoi que vous allez tuer Ole Andreson ? Qu’est-ce qu’il vous a fait ?
– Y n’a jamais eu l’occase de rien nous faire. Y nous a même jamais vus.
– Et y nous verra qu’une fois, fit Al dans la cuisine.

– Alors, pourquoi que vous allez le tuer ? demanda Georges.
– On va le tuer pour rendre service à un poteau, petit loustic.
– Ta gueule, fit Al dans la cuisine. Tu causes trop, bouffi.
– Ben quoi ! faut bien le distraire, le petit loustic. Pas vrai, petit loustic ?

– Tu cause trop, je te dis, fit Al. Le pruneau et mon petit loustic à moi, ils se distraient tout seuls. Je les ai ficelés comme une paire de copines au couvent.
– On croirait que tu y as été, au couvent.
– Qu’est-ce que t’en sais ?
– Alors, c’était dans un couvent à youpins. Voilà ce que c’était.

Georges consulta l’horloge.
– Si quéqu’un s’amène, tu y diras que le cuistot il est de sortie, et s’il insiste, tu y diras que tu vas dans la cuisine pour lui
faire son manger toi-même. T’as saisi, petit loustic ?
– Ça va bien, fit Georges. Qu’est-ce que vous nous ferez, après ?
– Ça dépend, dit Max. C’est une de ces choses qu’on ne peut pas dire d’avance.

 

Georges regarda l’horloge. Il était six heures et quart. La porte du restaurant s’ouvrit. Un wattman de tramway entra.
– Hello, Georges, fit-il. On peut croûter ?
– Sam est sorti, fit Georges. Y sera de retour dans une demi-heure.
– Alors, je suis obligé d’aller ailleurs, dit le wattman.
Georges regarda l’horloge. Elle marquait six heures vingt.
– T’as bien dit ça, petit loustic, fit Max. T’es un vrai petit gentleman.
– Y savait que je lui ferais sauter le caisson, dit Al dans la cuisine.
– Non, dit Max. C’est pas ça. Le petit loustic est gentil tout plein. C’est un bon petit gars. Moi, y me botte.
A six heures cinquante-cinq, Georges dit :
– Y n’viendra plus.

 

Dans l’intervalle, deux autres clients étaient entrés dans la salle. Une fois, Georges était allé à la cuisine pour préparer un sandwich au jambon et aux œufs qu’on voulait emporter. Dans la cuisine il avait vu Al, le melon sur la nuque, assis sur un tabouret à côté du guichet, un fusil de chasse aux canons rognés appuyé sur l’allège. Nick et le cuisinier étaient dos à dos dans un coin, une serviette attachée sur la bouche. Georges fit cuire le sandwich, l’enveloppa de papier huilé et le mit dans un sac.

Puis il sortit avec. Le client s’en alla après avoir payé.
– Le petit loustic y sait tout faire, dit Max. Tu feras le bonheur d’une gonzesse, petit loustic.
– Pas possible ? fit Georges. Votre copain, Ole Andreson, y ne viendra plus.
– On va lui donner dix minutes, fit Max.

 

Max guettait le miroir et l’horloge. Les aiguilles de l’horloge marquèrent sept heures, puis sept heures cinq.
– Allons-nous-en, dit Max. Vaut mieux s’en aller. Y ne viendra plus.
– Autant lui donner encore cinq minutes, fit Al dans la cuisine.
Pendant ces cinq minutes, un homme entra, Georges lui expliqua que le cuisinier était malade.
– Alors, pourquoi que vous ne prenez pas un autre cuistot ? demanda l’homme. C’est y donc que vous ne tenez pas un restaurant ?

Il s’en alla.
– Mettons-les, Al, dit Max.
– Et les deux petits loustics et le pruneau ?
– Ils ne causeront pas.
– Tu crois ça, toi ?
– Sûr. Nous, on a fini.
– Moi, j’aime pas ça. C’est pas de l’ouvrage bien faite. Tu causes trop.
– Oh ! et puis merde ! dit Max. Faut bien se distraire, pas vrai ?
– C’est égal, tu causes trop, fit Al.

 

Il sortit de la cuisine. Les canons raccourcis du fusil faisaient un léger renflement sous son pardessus trop étroit. Il arrangea son pardessus avec ses mains gantées.
– A la revoyure, petit loustic, dit-il à Georges. Tu peux dire que t’es verni.
– Ça, c’est la vérité vraie, fit Max. Tu devrais jouer aux courses, petit loustic.

Les deux hommes sortirent. Par la vitre, Georges les regarda passer sous le réverbère et traverser la rue. Avec leurs pardessus étroits et leurs melons, ils avaient l’air d’une paire de comiques de music-hall. Georges poussa la porte battante et entra dans la cuisine. Il délia Nick et le nègre.

– J’ai mon compte, fit Sam le cuistot. Moi, j’ai mon compte, voilà ce que je dis.
Nick se redressa. C’était la première fois qu’on lui mettait une serviette dans la bouche.
– Dites donc, fit-il, en voilà une histoire !
Il essayait de crâner.
– Ils voulaient tuer Ole Andreson, dit Georges. Ils comptaient lui tirer dessus quand il entrerait.
Le cuistot tâta les commissures de ses lèvres avec ses pouces.
– Y sont partis tous les deux ? demanda-t-il.
– Ouais, fit Georges. Ils sont partis.
– J’aime pas ça, dit le cuistot. J’aime pas ça du tout du tout.

 

Georges se tourna vers Nick.
– Dis donc, tu ferais bien d’aller voir Ole Andreson.
– Bon.
– Vous feriez bien mieux de ne pas fourrer le nez dans cette histoire, fit Sam le cuistot. Vous feriez bien mieux de rester le plus loin possible de cette histoire.
– N’y va pas si tu n’y tiens pas, fit Georges.
– Ça vous rapportera rien de bon, fit le cuistot. Ne vous en mêlez pas, c’est mon avis.
– J’y vais, dit Nick s’adressant à Georges. Où c’est qu’il habite ?
Le cuistot tourna le dos.
– Les jeunes gens, ça sait toujours les choses mieux que personne, fit-il.

Georges dit à Nick :
– Il habite dans le garni Hirsch.
– J’y vais.

 

Dehors la lampe à arc brillait à travers les branches nues. Nick suivit les rails du tramway et tourna au réverbère suivant dans une rue latérale. Le garni Hirsch était la troisième maison de la rue. Nick gravit les deux marches et poussa le bouton de sonnette. Une femme parut sur le seuil.

– Ole Andreson est là ?
– Vous voulez le voir ?
– Oui, s’il est là.
Nick suivit la femme au premier et jusqu’au fond d’un corridor. Elle frappa à la porte.
– Qui va là ?
– C’est quelqu’un pour vous voir, Mister Andreson, fit la femme.
– C’est moi, Nick Adams.
– Entrez.
Nick ouvrit la porte et entra dans la chambre. Ole Andreson était étendu, tout habillé, sur son lit. Ancien poids lourd, il était trop long pour le lit. Il était couché, la tête sur deux oreillers. Il ne regarda pas Nick.

 

– Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il.
– J’étais chez Henry’s, dit Nick, deux types sont entrés et m’ont attaché, moi et le cuistot, et ont dit qu’ils allaient vous
tuer.
Ç’avait l’air bête, ce qu’il disait. Ole Andreson ne dit mot.
– Ils nous ont planqués dans la cuisine, reprit Nick. Ils comptaient vous tirer dessus quand vous entreriez pour dîner.
Ole Andreson regardait le mur et ne disait rien.
– Georges a dit comme ça que je ferais bien de venir vous prévenir.
– J’y peux rien, fit Ole Andreson.
– Je vais vous dire comment ils sont.
– Je veux pas le savoir, dit Ole Andreson. Il regardait le mur. Merci tout de même d’être venu me dire ça.
– Oh ! de rien.

 

Nick regardait le grand corps étendu sur le lit.
– Vous voulez que j’aille prévenir la police ?
– Non, répondit Ole Andreson. Ça ne ferait aucun bien.
– Je peux rien faire pour vous ?
– Non. Personne ne peut rien faire.
– Peut-être c’était du bluff ?
– Non. C’est pas du bluff.

Ole Anderson se retourna vers le mur.
– La seule chose, fit-il, parlant vers le mur, c’est que je peux pas me décider à sortir. Je suis resté dedans toute la journée.
– Vous pourriez pas quitter la ville ?
– Non, dit Ole Andreson. J’en ai marre de cavaler comme ça.
Il regardait le mur.
– Et puis y a rien à faire.
– Vous pourriez pas arranger ça ?
– Non. Je m’suis mis dans mon tort.
Il parlait toujours de la même voix plate.
– Y a rien à faire. Dans quéque temps je m’déciderai à sortir.
– Alors, moi, je retourne chez Georges, fit Nick.
– A la revoyure, fit Ole Andreson. Il ne regarda pas dans la direction de Nick. Merci encore d’être venu.

 

Nick sortit. En refermant la porte, il vit Ole Andreson, tous ses vêtements sur le corps, qui regardait le mur.
– Il est resté toute la journée dans sa chambre, lui dit en bas la logeuse. Pour moi, il ne se sent pas bien. Je lui ai dit comme ça : Mister Andreson, vous devriez sortir vous promener un peu par cette belle journée d’automne, mais ça lui disait rien.
– Y veut pas sortir.
– Je regrette qu’il se sente pas bien, dit la femme. C’est un homme tout ce qu’il y a de comme il faut. Il était dans le ring, vous savez.
– Je sais.
– On le dirait jamais, sauf à voir la façon dont il a la figure amochée, fit la femme. Ils causaient contre la porte de la rue.
Elle ajouta : il est doux comme un agneau.
– Alors bonne nuit, Missis Hirsch.
– Je ne suis pas Missis Hirsch, dit la femme. Elle, c’est la patronne. Moi, je suis seulement celle qui s’en occupe pour elle.
Je suis Missis Bell.
– Alors, bonne nuit, Missis Bell.
– Bonne nuit, fit la femme.

 

Nick suivit la rue obscure jusqu’au coin, sous la lampe à arc, puis les rails du tram jusqu’à Henry’s. Georges était derrière le comptoir.
– Tu l’as vu ?
– Oui, dit Nick. Il est dans sa carrée et ne veut pas sortir.
Le cuistot ouvrit la porte en entendant la voix de Nick.
– J’veux même pas écouter, fit-il, et il referma la porte.
– Tu lui as dit ? demanda Georges.
– Sûr. J’y ai dit, mais y sait bien de quoi y retourne.

– Qu’est-ce qu’y va faire ?
– Rien.
– Ils auront sa peau.
– Ça m’en a tout l’air.
– Il a dû se compromettre dans une sale histoire à Chicago.
– Ça m’en a tout l’air.
– C’est pas drôle.
– C’est dégueulasse, fit Nick.

 

Ils ne dirent plus rien. Georges se baissa, ramassa une serviette et essuya le comptoir avec.
– Je me demande ce qu’il a bien pu faire, reprit Nick.
– Il a donné quelqu’un. C’est pour ça qu’ils tuent les gens.
– Moi, je quitte le pays, fit Nick.
– Oui, fit Georges, c’est la chose à faire.
– Je peux pas supporter l’idée qu’il est là, dans sa carrée, sachant qu’on va le tuer. C’est trop affreux.
– Alors, dit Georges, vaut mieux ne pas y penser.

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Ernest Hemingway – Les Tueurs

The Killers (1927)

Conte courtes – Histories

Nouvelle – Texte traduit en français

Littérature nord-américaine

 

 

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